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LA VALLÉE DE LA MOSELLE

— Ah ! dit Sturel se méprenant, le père a été persécuté ?

— Pourquoi donc on l’aurait persécuté, cet homme ? Il a tout fait pour son fils. Le collège à Nancy et puis les diplômes. On ne sait pas au juste comment les Parisiens tournent les choses. Il y en a des pires qui réussissent là-bas. On dit qu’avec son instruction il ne trouvait pas à vivre.

— Mais le père est riche, dit Saint-Phlin.

— Il est plus à son aise que beaucoup.

— S’il avait aidé son fils, la chose ne serait pas arrivée.

— Il lui avait payé ses études et Versé le dû de sa mère. Mais ce garçon-là, à cause de son instruction, ne savait pas la valeur de l’argent ; on lui mangeait tout ; il était fait pour être fonctionnaire. Seulement il manquait de recommandation. Nous sommes des petites gens, ici.

— Permettez, dit Saint-Phlin, parce qu’on ne le nommait pas juge d’instruction, ce n’était pas une raison pour assassiner.

— Nous sommes des petites gens, répéta l’homme ; nous ne savons pas ce qui se passe là-bas, chez les puissants. On dit que le fils Racadot n’était pas tout seul dans l’affaire et qu’un député de pas bien loin pourrait en dire long.

Il ne voulut plus parler et ils s’aperçurent qu’ils l’avaient froissé.

Poussant leurs bicyclettes à la main, ils s’étaient éloignés à peine de trente mètres, quand, d’une voix grossière, il les héla :

— Si vous avez affaire avec M. Racadot, justement il vous joint.