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Page:Barrès – L’Appel au Soldat.djvu/335

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LA VALLÉE DE LA MOSELLE

En dépit de ce Guillaume le Grand, il n’est pas une terre d’où la patrie française soit plus invoquée, plus adorée que de cette Lorraine. Sur ce sol, ils peuvent ériger des trophées, mais l’indigène qui passe dans leur ombre élève spontanément, pour la leur opposer, une pensée d’amour vers la France, Les mots allemands peuvent bien proclamer : « Die für immer süss denkwürdige Capitulation von Metz : la capitulation à jamais doucement mémorable de Metz » ; jamais des syllabes françaises ne s’assembleront pour affirmer une telle façon de voir. Et voilà pourquoi des vainqueurs, conseillés par leur raison nationale, veulent que les écoles du pays annexé n’enseignent plus que l’allemand. C’est pour contraindre chacun à déserter les mots de ses aïeux, et pour tenir en échec l’âme héréditaire de ce territoire.

Or, se promenant ainsi sur l’Esplanade, Sturel et Saint-Phlin entendirent avec épouvante des tout petits enfants qui, au pied de l’Homme de la race ennemie et dans ce vent léger de la rivière lorraine, s’amusaient en grasse langue allemande. Eh ! quoi donc ! si vite, ces terribles mesuras ont tué les enfants français ! C’est le massacre des innocents. L’un d’eux pouvait être le sauveur. En quelques années, le maître d’école lui enlève toute vertu. Vainement la France l’appelle. Il ne sait plus son propre nom. Wilhelm, Karl, Fritz, héritiers d’une longue lignée de Français, répondent : « Was willmir dieser Fremde : que me veut cet étranger ?…» — L’isolement des deux voyageurs, leur sentiment de vaincu s’aggrava au point qu’ils pensaient à quitter Metz immédiatement… Comme ils les aimèrent, quelques pas plus loin, les bonnes petites