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L’APPEL AU SOLDAT

sons aux toits pointus et ardoisés que pressent de hautes collines toutes en vignobles, et sur celles-ci s’élève, pour caractériser le lieu, un coquet château à tourelles restitué par un architecte de Cologne. Il est impossible de contempler cette petite ville, et d’ailleurs toute la suite des stations mosellanes, sans envier l’air excellent que respirent leurs habitants. Des barques où flottent des drapeaux et qui mènent d’une rive à l’autre de joyeuses sociétés vers des cabarets pavoisés rappellent que l’Allemand, à l’encontre du Français, n’économise jamais. Par un joli soleil, une vue superficielle de Cochem donne des impressions d’idylle modeste, et, à boire sur sa rive une bouteille, on se trouve dans ces dispositions honnêtes, humanitaires et légèrement puériles où les jolies femmes de Trianon aimaient à se mettre en trayant les vaches.

Le bateau pouvait conduire Sturel et Saint-Phlin à Coblence pour souper, mais ils jugèrent suffisante leur étape de cent treize kilomètres. Dans ce coin perdu, ils se donnèrent le plaisir d’être des passants qui songent parmi des images qu’ils ne reverront pas.

Les maisons de Cochem précipitent l’une vers l’autre, à travers la rue étroite, leurs fronts bosselés d’étages qui surplombent, et elles prodiguent à l’amateur de la vieille architecture bourgeoise les authentiques carreaux verdâtres de leurs petites fenêtres, les poutres mêlées à la maçonnerie intérieure et leurs vieux bois sculptés si noirs.

Au soir, ils se promenèrent sur les collines. Pendant plusieurs siècles, sous cette même lumière lunaire et tandis qu’une forêt pendante voilait à demi la rivière, les pauvres gens entendirent, les fées