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STUREL RETOMBE SOUS LE JOUG DES CIRCONSTANCES

du fameux accident où Pascal en carrosse faillit être précipité. Lieu sacré qui favorisa la plus admirable folie et des accents désespérés ! Ils vaudraient alors même que l’humanité demanderait à d’autres doctrines qu’au catholicisme un point de vue pour ravaler la nature humaine et la force pour se soulever, au moins de désir, hors des intelligences obtuses et courtes, contentes d’être, satisfaites du monde et de la destinée.

Ces grandes idées, cette berge solitaire, ces déserts de jardins et de petites maisons, leur beauté, leur secret, venaient rouvrir la voie que s’était faite jadis Thérèse dans l’âme de Sturel. Ce petit canton de Saint-James, le plus mystérieux de Paris, donnait plus d’expression à la figure voluptueuse de cette délaissée. À vingt-quatre ans, malgré tous les artifices qui contraignent une mondaine, Thérèse, dans ce mois de juillet tout chargé d’orages, plus d’une fois avait soupiré et s’était énervée. Ces deux journées lui furent douces et tristes. En vain cherchait-elle à s’illusionner sur ce retour de tendresse. À chaque minute, ils s’apercevaient qu’ils ne valaient plus que pour se faire souffrir ; parfois encore, elle attirait la tête de son ami, puis elle le repoussait en sanglotant. La seule passion sensuelle, avec les familiarités qui lient, elle ne pourrait jamais l’éprouver pour Sturel, car entre eux il y avait eu trop de choses délicates, à la pension de la rue Sainte-Beuve. Elle avait désiré ce rendez-vous, et cependant elle se détourna, le soir, quand il voulut la prendre dans ses bras.

— En vous repoussant aujourd’hui, disait-elle, je garde moralement le droit d’être passionnée un jour.