Page:Barrès – L’Appel au Soldat.djvu/430

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
424
L’APPEL AU SOLDAT

sérénité intérieure, mon travail. Je serais un fou de fréquenter dorénavant un camarade dont toutes les préoccupations me détourneraient.

Sturel commençait à sentir les gouttes amères que la politique laisse tomber sans interruption sur le cœur de ses courtisans. Mais cette amertume même devient vite nécessaire à ceux qui connurent son poison. Il commença de soigner les électeurs du vingt et unième arrondissement.

Les voix innombrables du parlementarisme, qui traitaient Boulanger de concussionnaire, ne parvenaient à convaincre personne, mais elles modifiaient les rapport de ce Messie et de son peuple. Quand le Procureur général Quesnay de Beaurepaire termina son réquisitoire devant la Haute Cour, le sénateur Buffet dit au sénatenr Tolain : « Je vous mets au défi de condamner. » — « Vous avez tort, répondit l’autre, le réquisitoire est lamentable, mais il y a la fuite des accusés ! » Ces terroristes pensaient : « Nous pouvons le frapper parce que son départ l’a transformé ; la nation ne reconnaîtra plus son grand protecteur, réduit maintenant à lui demander sa protection. »

Ce Boulanger ! il amusa la malice française du traitement qu’il réservait aux parlementaires, et ce sont eux qui le bafouent. Il disait qu’il sauverait la France ; et voilà qu’il se sauve ! Un bon soldat, un juste, mais c’est sa force qu’on aimait : faudra-t-il affronter à cause de lui les persécutions auxquelles il jurait de nous soustraire ? Les officiers de réserve, gens influents dispersés sur tout le territoire et mêlés à tous les métiers, à tous les intérêts, de façon à constituer une sorte d’aristocratie, avaient montré