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BOULANGER S’ESSUIE LE VISAGE DEVANT STUREL

au jeune ministre de la Guerre un dévouement passionné, parce qu’ils avaient en commun des idées vagues sur la dignité éminente de l’armée dans la République, mais, à mesure que le boulangisme devenait une expression politique et désignait des mécontents, des rebelles, ces hommes, qui, dans la force de l’âge et dans l’indépendance civile, se rappelaient avec un bien-être moral la discipline militaire, se trouvèrent désorientés et, sans juger le fond des choses, reportant leur sentiment national sur les généraux de Miribel, Jamont, de Boisdeffre, de Boisdenemets, ils conclurent avec un accent de regret : « La politique, ce n’était pas l’affaire de Boulanger. »

Ainsi les arguments élaborés par les Bouteillers n’aboutirent pas à transformer l’opinion du pays au point qu’on tînt Boulanger pour criminel d’avoir voulu modifier l’ordre des choses, mais il cessa d’être dans les imaginations une force irrésistible ; on avait borné devant tous les yeux sa puissance qui faisait le principe et la mesure de sa popularité. « Il n’est donc pas la République et la Patrie, puisque des républicains privent de ses services la défense nationale ! » Au lieu de se confondre avec les intérêts de l’État, il s’explique sur des faits personnels. On ne sent plus derrière lui la nation, mais des candidats.

Il n’entre pas dans nos projets de suivre Sturel, Renaudin et Suret-Lefort chez leurs électeurs. La poursuite d’un mandat législatif en province est admirable à peindre pourvu qu’on n’abrège pas les détails. Le résultat est conditionné par le développement historique de la région, par les sentiments et les habitudes héréditaires de la population. Ces