Page:Barrès – L’Appel au Soldat.djvu/509

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
503
« LAISSEZ BÊLER LE MOUTON »

réagit sur la situation du plus modeste de ses membres. Et, bien que député, la presse boulangiste se mourant, il alimentait plus difficilement que jadis son budget. Il y insista dans l’idée que Mme  de Bonnemains avait encore de l’argent. Émue de ce débat et de ces vilenies, la malade fut secouée par un long accès de toux. Le Général ordonna au cocher de rebrousser chemin. On se tut. Renaudin trouvait ces gens-là bien « coco » : leur incapacité lui nuisait ; il serrait les dents et se préparait à tenir bon.

Que n’a-t-il pas risqué pour ce Boulanger ? Il se rappelle ce qu’il apprit chez le baron de Nelles, dans la fameuse soirée qui précéda la fuite à Bruxelles : le Général, depuis Clermont, est allé à Prangins sous le nom de commandant Solar ! C’était risquer pour rien, par frivolité, les intérêts des hommes de cœur qui s’associaient à sa fortune. Nous devons notre piteux état à ses forfanteries aussi bien qu’à ses lâchetés. Si je m’étais accordé avec les parlementaires, au lieu de les insulter pour le compte de ce beau galant, je jouirais d’une situation de tout repos.

En rentrant, le Général s’enferma avec sa maîtresse. Renaudin attendit plus d’une heure. Quand ils se retrouvèrent, l’un et l’autre, par un même effort, avaient repris un masque banal. Boulanger offrit au journaliste de lui dicter quelques déclarations. Il s’éleva contre les réactionnaires et s’affirma républicain ; il marqua son intention d’étudier d’une façon sérieuse les questions qui intéressent le peuple laborieux. La nécessité de reprendre sa popularité par la base et de lui donner des assises se