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JOURNÉE D’AGONIE DE REINACH

tout de suite familier avec les choses et les gens, énergique, de bonne humeur, net dans ses propos, avocassier dans ses démarches. Ses premiers mots décontenancent ses amis de la majorité :

— Une clarté complète…, dit-il. Pas d’équivoques ! Il y a des questions dont la Justice n’est pas saisie, qui sont indépendantes de l’action judiciaire et ne peuvent se confondre avec elle… Devant les bruits qui circulent, les accusations que l’on porte, il est nécessaire que toutes les affirmations, toutes les accusations se produisent librement, loyalement, et que les réponses soient aussi librement, loyalement entendues.

Infortuné Rouvier ! Misérable Reinach ! Ricard, qui n’a pas envie de se perdre, cesse de s’entêter et ne voit plus d’objections au débat. À lundi ! à lundi !

Barthou aurait-il cassé les reins du Parlement ? Cette assemblée, qui sort de la salle de ses séances, ne semble plus un animal avec une vigoureuse épine dorsale, mais un flot d’eau sale qui se répand dans les couloirs.

Rouvier immédiatement quitte cette mare de vains bavardages. Il court au Louvre et dans son cabinet ministériel où le baron de Reinach l’attend.

La peur et la joie suscitées par les scandales du Panama avaient dans cet après-midi tragique pour résultat et pour sommet l’ivresse de Reinach. Un homme saturé d’émotions violentes s’en-