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LEURS FIGURES

par haine des parlementaires, il se désolait de n’apporter encore que des allusions et des précautions. C’est à cette minute que deux hommes politiques lui firent passer leurs noms qu’il a promis de taire. L’un, ami ancien et éprouvé, l’autre, personnage considérable et mêlé à toutes les intrigues du gouvernement. Ils lui racontèrent dans leurs grandes lignes les plus secrets événements du jour.

— Reinach, conclurent-ils, va disparaître ou mourir. Son désespoir, sa résolution bouleverseront tout. Plus de précautions, nous entrons en plein drame.

Ils mirent alors à nu devant Delahaye le rôle du baron de Reinach et de son principal agent Arton. Ils énumérèrent cent cinquante députés, sénateurs et grands fonctionnaires à qui avaient été distribués, en cent soixante-douze chèques, trois millions. Ils lui révélèrent que Barbe, ancien ministre, avait exigé 400,000 francs ; que Sans-Leroy, député, faisant partie de la commission chargée d’examiner, en 1886, le projet relatif aux valeurs à lots, en avait assuré l’adoption moyennant 200,000 francs ; qu’on avait dû donner 200,000 francs pour acheter le Télégraphe qui ne valait pas vingt francs, parce que M. de Freycinet s’intéressait à ce journal ; que le gouvernement avait réclamé 500,000 francs pour l’acquisition d’un grand journal à l’étranger ; que