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LEURS FIGURES

cente de police dans un bouge. Cet anachronisme ne fausserait pas l’aspect de cet après-midi où bien peu de représentants dominaient leurs nerfs. Deux de ces messieurs pleuraient. L’honorable M. Boissy d’Anglas faisait le jaguar et ses longs cris rauques affolaient la salle tandis que, courbé sur son banc, il cherchait parmi ses collègues de droite une proie où plonger ses griffes. On arrêta un questeur, l’honorable M. Guillaumou, qui, pris de délire, courait étrangler Delahaye.

Mais, surtout, nous nous souvenons de quel pas régulier et rapide, dans le brouillard où finit cette excédante séance, un petit homme gras et glacé escalada la tribune pour glorifier ses actes, auxquels il jugeait qu’on avait fait allusion. Il rappela qu’il avait poursuivi ses « calomniateurs »… « Les débats prirent toute l’ampleur possible et justice me fut rendue par un arrêt sévère… Je puis donc dire en descendant de la tribune que je suis de ceux qui ont su défendre leur honneur. »

C’était l’honorable M. Baïhaut. Il se proposait en exemple d’audace, mais, en dépit d’un prodigieux effort pour fournir dans ses moindres gestes une évidence de tranquillité, on distinguait sous cette glace les convulsions de la terreur.

À le voir, cette Chambre emballée sentit un insupportable malaise : amis et adversaires se turent, comme, après le duel, devant le cadavre.