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L’ACCUSATEUR

Sturel rencontra dans la salle des Pas-Perdus Suret-Lefort. Ils ne vibraient pas au même diapason : le jeune député eût admis qu’on se débarrassât de quelques personnages encombrants, mais la campagne ainsi engagée l’inquiétait.

— Je te le demande, répétait-il, qui peut en profiter dans la Meuse ? Les seuls réactionnaires.

Sturel impatienté qu’on glaçât de si belles circonstances avec des soucis particuliers, s’en allait de boulangiste en boulangiste, répétant : « Tue ! tue ! » Et ses frères ivres de joie répondaient : « Assomme ! »

Il sortit avec Delahaye par la porte de la rue de Bourgogne. Ils furent rejoints par M. de Nelles, un peu nerveux, qui mit familièrement sa main de gentilhomme sur l’épaule de l’Accusateur et lui dit :

— Quelle imprudence ! mon cher ami. Dans quelle situation vous vous mettez par une telle campagne ! J’ai peur pour vous.

Delahaye lui répondit en pleine poitrine :

— Et moi aussi, j’ai peur pour vous, mon cher.

Sturel sentit trembler dans sa main la main de Nelles et il regardait avec une gêne extrême ce malheureux dont les yeux, sous un coup si brusque, avouaient tout et disaient : « N’est-ce