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LE SABBAT NORTON

— Vous me dégoûtez tous ! La politique est le dernier des métiers ; les hommes politiques, les derniers des hommes ; j’en ai assez, je donne ma démission.

Ce que le Journal officiel a traduit : Monsieur le président, je sors de cette assemblée, je donne ma démission de député ; je ne fais plus de politique ici.

Ah ! le rire de Clemenceau, alors ! rire d’un surmené qui ne peut plus se contenir ! Ses gestes fuyants de toutes parts ! Il se tape sur les épaules, sur les cuisses. Les tribunes s’épouvantent de le voir danser sur son banc. Sauvé ! Il se croyait sauvé, le petit Kalmouk énervé, en huit jours si vieilli, mais de ressort toujours tendu. Brusquement il se sépare de sa clientèle qui continue de réclamer les lettres. On en a tiré tout l’effet. Il pousse en avant Dreyfus, Camille Dreyfus, qui s’avance au pied de la tribune et jette le premier ce mot d’ordre :

— La fausse liste maintenant ! Vous avez une liste ! Lisez les noms !

Et quel soupir, quelle renaissance, quels joyeux bonds ! quand Millevoye, qui ne connaît plus aucune consigne, la lit, cette détestable liste, et associe à Clemenceau, Burdeau.

Clemenceau eut un geste d’enfant voyou, se retournant, lançant à son collègue :