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LA COLLINE INSPIRÉE

rai-je ? Au nom de quoi vais-je quêter ? » Cette doctrine mystérieuse de Tilly, la justification par l’amour, c’est de toute antiquité qu’elle repose dans ce cœur clérical formé à Borville par des générations catholiques. Elle a fait explosion dans cet homme malheureux, au fond de sa pauvre cellule de Bosserville, quand il répétait à Dieu : « Ne suis-je pas un cœur juste ? Vois mon cœur, juge-le et donne moi un signe. » À Tilly, il l’a reconnue comme un désir, comme une foi qui reposait en lui depuis toujours. Vintras l’a confirmée, étayée par des prodiges. En quelques semaines, auprès de l’Organe, une certitude mystique vient de l’envahir avec une puissance prodigieuse, et de le mettre tout en émoi. Elle va éveiller en lui quelque chose de tout nouveau et d’idyllique, l’idée du bonheur ; elle la dégage, la fait monter à la surface. Maintenant Léopold conçoit comment pourrait se faire la satisfaction de son âme. Ce n’est plus de construire des édifices, mais de construire des temples vivants. Le prêtre bâtisseur s’élève à un degré supérieur : il veut former des âmes, présenter à Dieu une compagnie de saints. Et quel beau sens nouveau à donner au pèlerinage ! Quel fructueux motif de quête !

Tous s’étaient agenouillés dans les ténèbres