Page:Barrès - La Colline inspirée, 1913.djvu/140

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tiennent leurs coiffures sur leurs genoux ; le soleil blanc, chargé de pluie, ne gêne pas leurs visages endurcis au froid et au chaud, et s’ils froncent le front, c’est moins à cause des rayons qui percent le feuillage des tilleuls que pour mieux se préparer à saisir les fameuses explications, qui surexcitent, depuis plusieurs semaines, toute la curiosité de la contrée.

Léopold Baillard gravit les trois marches d’une estrade en bois blanc décorée de tapis, et faisant face à son public qu’il enveloppe d’un profond regard, il débute avec un accent bas et tendre :

— Mes biens chers amis, enfin, nous nous retrouvons ! Et moi, qui ai toujours partagé avec vous mes trésors, je viens mettre à votre disposition mon cœur, mon cœur plus savant, mon cœur rempli aujourd’hui d’incomparables richesses…

Et d’une voix rapide, il entonna son propre éloge, développant à l’infini cette idée :

— C’est moi qui ai relevé votre pèlerinage et rétabli au milieu de vous ce qu’avaient institué vos pères.

Il continua sur ce ton, puis soudain coupa court, se tut deux longues minutes, comme s’il attendait un contradicteur, et s’avançant d’un pas, il dit avec solennité :