Page:Barrès - La Colline inspirée, 1913.djvu/236

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Il se glissa jusqu’à Saxon par le raccourci et fut assez heureux pour échanger avec la vieille femme une hotte de bois et deux journées de travail qu’il lui promit contre le gros poisson. Tout essoufflé, un quart d’heure plus tard, il faisait à la cuisine une rentrée triomphale.

Cependant, les bonnes sœurs avaient étendu sur la table une nappe d’autel. Et, sans plus tarder, sœur Lazarine vint annoncer à Quirin et à Mademoiselle que le dîner était prêt.

En passant dans le couloir, la Noire Marie remarqua que toutes les vitres étaient brisées.

— C’est l’ouragan d’il y a huit jours, dit Quirin. Mais que faire avec les ouvriers d’aujourd’hui ! Voici une grande semaine que nous les attendons.

La vieille visiteuse ne formula aucune objection, mais si elle n’ouvrit guère la bouche que pour profiter du bon dîner, ses yeux fureteurs ne cessaient d’espionner tout ce qui se passait autour d’elle. Rien ne lui échappa de l’amabilité forcée de Quirin, ni de l’agitation de François, ni du sombre chagrin de Thérèse, ni de la maigreur de tout ce monde. C’était un festin où chacun jouait la gaieté, et par là singulièrement triste. Au dessert, s’adressant à Léopold :