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Page:Barrès - La Colline inspirée, 1913.djvu/248

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LA COLLINE INSPIRÉE

désespoir les beaux carrés de légumes si bien soignés, dont ils ne feraient pas la récolte, et où leurs ennemis se pavanaient insolemment.

Dans cette journée, nulle consolation ne leur vint de Saxon. L’assignation lancée par Monsieur Libonom à tous ceux qui avaient reçu des dépôts dans leurs maisons produisait un effet terrible. Six d’entre eux coururent à Vézelise tout révéler au juge de paix. Mathieu lui-même se distingua par sa couardise. Il livra tout, les papiers de Léopold, les ornements d’église, un fourneau et jusqu’à la grosse truie.

Les autres fidèles se terraient. Et Léopold considérant combien il avait peu de monde autour de lui se disait que cela encore devait être ainsi et que le Christ n’en avait pas davantage au pied de sa croix.

Comme s’il devait boire le calice jusqu’à la lie, au soir, Mathieu le fit prévenir qu’il reprenait sa parole et ne louerait pas sa maison. Sa femme lui avait fait honte de loger des sataniques.

Ce fut autour de Léopold un concert de plaintes et de gémissements, mais lui, poursuivant toujours sa rêverie intérieure, dit avec le plus grand calme :

— Cessez de vous agiter, mes frères, car