Page:Barrès - La Colline inspirée, 1913.djvu/404

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Il l’écoutait en se frappant la poitrine, et quand son jeune confrère eut achevé son récit :

— Je vois ce qui vous est arrivé, lui dit-il. Il y a vingt-cinq ans, j’ai commis la même faute que vous. Ce n’est pas avec des arguments que l’on touche le cœur… Ah ! que ne puis-je, mon cher ami, vous accompagner auprès du malheureux obstiné ! Que Dieu qui me refuse cette grâce m’accorde au moins la force de vous communiquer l’expérience de ma vie, et qu’elle soit en même temps la confession de ma faiblesse.

Et comme on voit parfois un foyer, avant de s’éteindre, lancer de grandes lueurs, cette énergie expirante exhala en paroles pressées sa flamme intérieure, une flamme qui avait tout purifié dans son âme.

— Vous ne pouvez pas savoir, mon ami, les pensées qui assiègent le lit d’un mourant. Toute mon existence est présente devant moi. Comment vais-je justifier au tribunal de Dieu mon passage sur cette terre privilégiée de Sion ? Ai-je su y respirer et y servir l’esprit de vie ? Il y a trente-quatre ans, presque au lendemain de mon ordination, j’ai été envoyé sur cette sainte colline ; j’ai été chargé de la reconquérir pour la gloire