Page:Barrès - La Colline inspirée, 1913.djvu/411

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aimé la colline de Sion. » Et il sentait que de tous les hommes qu’il avait connus, très peu auraient pu le comprendre aussi bien que cet adversaire dont il avait tant souffert. « Comment n’ai-je pas vu, pensait-il, que nous pouvions nous aimer ? » Deux grosses larmes coulèrent sur ses joues, quand l’Oblat lui révéla que le Père Aubry avait offert sa vie pour arriver le premier au tribunal de Dieu et intercéder en faveur du Restaurateur de Sion. À plusieurs reprises, il interrompit pour dire :

— Cela est d’un vrai prêtre.

Et l’Oblat poursuivait :

— Vous avez fait de grandes choses sur la colline, Monsieur Baillard ; nous l’avons trop méconnu, mais la sainte Vierge, Elle, ne peut pas l’oublier.

— Maintenant, dit le malade, je sens que je ne pourrai plus rien faire en ce monde, je suis content de mourir.

— Avec saint Paul, Monsieur Baillard, vous formez ce souhait : Cupio dissolvi…

— Oui, et esse cum Christo.

— Ne donnez de place dans votre cœur qu’à deux sentiments, celui du regret et celui de l’espérance : regret pour le passé…

— Et espérance pour l’avenir, acheva le malade.