Page:Barrès - La Colline inspirée, 1913.djvu/422

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Quand le Père Cléach arriva, la nièce de Léopold emportait la longue robe rouge du Pontife d’Adoration, en disant qu’elle en ferait d’excellents couvre-pieds. Les hosties, grandes et petites, les croix de grâce, les téphilins gisaient à terre. M. Navelet les ramassait et expliquait que le calice lui revenait de droit, parce que Léopold, de longtemps, l’avait désigné pour son successeur. Tous se disputaient ces pauvres trésors, et Marie-Anne essayait en vain de s’opposer au pillage.

Le premier mouvement de l’Oblat fut de saisir, lui aussi, ces insignes idolâtres, mais chacun se rangeait pour lui laisser le chemin du lit mortuaire, et il rougit d’avoir pensé d’abord aux choses secondaires. Il alla jeter l’eau bénite sur le corps de Léopold et tombant à genoux :

— Puisse le Souverain Juge, dit-il, ratifier la sentence d’absolution qu’en son nom je viens de prononcer sur une âme captive de Satan. J’ai confiance que le Seigneur accueillera le prêtre qui s’est perdu par un amour excessif de Sion. Un monologue de quarante années, un si long cri du cœur, une telle supplication à l’Esprit ont-ils pu s’abîmer tout entiers dans le vide ? Fleuve troublé par les orages va t’engloutir dans l’océan divin.