Aller au contenu

Page:Barrès - La Terre et les morts.djvu/14

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

les destinées de notre pays sont étroitement liées à celles du catholicisme. (Nous avons, en général, l’érudition mélancolique.) Mais ne sentez-vous pas quelque puérilité à vous enfoncer, fût-ce avec d’éminents philosophes, dans les voies hypothétiques où la France aurait dû passer ? Vous trouverez un profit plus certain à refaire le chemin qu’elle a réellement parcouru ; il ne fut pas toujours parfait : il nous égarera moins que ne font les métaphysiciens. Du moins, notre erreur sera l’erreur de la France, et nous nous dépraverons moins en suivant ses errements qu’on nous livrant à leurs divagations.

Soumettons, Messieurs, notre jugement propre aux conditions de la réalité sur laquelle nous voulons agir. L’assertion qu’une chose est bonne et vraie a toujours besoin d’être précisée par une réponse à cette question : par rapport à quoi cette chose est-elle bonne ou vraie ? Autrement, c’est comme si l’on n’avait rien dit. Entre toutes ces théories militantes, entre toutes ces évolutions brusquement contradictoires de notre pays depuis un siècle, quelle angoisse morale s’il faut que notre préférence propre décide ! La France consulaire, la France monarchique, la France de 1830, la France de 1848, la France de l’Empire autoritaire, la France de l’Empire libéral, toutes ces Frances enfin qui, avec une si prodigieuse mobilité, vont à des excès contradictoires, procèdent du même fonds et tendent au même but ; elles sont le développement du même germe et sur un même arbre les fruits des diverses saisons.