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Page:Barrès - Le culte du moi : un homme libre.djvu/15

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vii
préface

écrira ; on se surprend à les avoir déjà vécus, quand on se demande si on les approuve. C’est par plénitude, par nécessité et de la manière la plus irréfléchie que se produisent les germes qui, bien soignés, deviendront de grandes œuvres droites. Magnifique geste d’une mère qui prend son fils aux mains de l’accoucheuse et le regarde. Elle l’a mis au monde et ne le connaît point.

Mais pourquoi chercher tant de raisons à ce refus de me comprendre que j’ai subi durant douze années ? C’est bien simple : nous ne conquérons jamais ceux qui nous précèdent dans la vie. En vain nous prêtent-ils du talent, nous ne pouvons pas les émouvoir. À vingt ans, une fois pour toutes, ils se sont choisi leurs poètes et leurs philosophes. Un écrivain ne se crée un public sérieux que parmi les gens de son âge ou, mieux encore, parmi ceux qui le suivent.

Les jeunes gens me dédommageaient. Ils se répétaient la dernière page des Barbares : « Ô mon maître… je te supplie que par une suprême tutelle, tu me choisisses le sentier où s’accomplira ma destinée… Toi seul, ô maître, si tu existes quelque part, axiome, religion