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UN HOMME LIBRE

connaissez ces inquiétudes nerveuses qui, certains jours, nous tiraillent dans toutes les jointures, nous cassent les jambes à la hauteur des genoux, et nous réduisent enfin à un geste brusque, coup de pied dans les meubles ou assiettes cassées, en même temps qu’elles nous font une idée claire des sensations du véritable épileptique. J’avais à l’imagination une angoisse analogue.

Dès l’aube, je lui télégraphiai à son ancienne adresse. Journée déplorable ! À travers Cannes, perdue d’humidité, je ne cessais d’aller de l’hôtel au télégraphe, où les employés agacés me secouaient leurs têtes, et mon cœur s’arrêtait de battre, sans que mon attitude perdit rien de sa dignité. Le long de la plage, dans la grande rue, cette journée dont j’entendis sonner tous les quarts d’heure me brisa, tant mon espoir surchauffé à chaque seconde se venait butter contre l’impossible, de la secousse d’un express qui s’arrête brutalement… Vers cinq heures, seul dans le salon humide de l’hôtel, je n’avais encore rien reçu : la totalité des choses me parut sinistre, puis je fus dément.