Page:Barrès - Le culte du moi : un homme libre.djvu/265

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
233
UN HOMME LIBRE

Un matin, toujours sans nouvelle, j’eus au moins la petite satisfaction d’avoir prévu dès la veille, qu’il fallait laisser tout espoir. M’examinant avec minutie, je constatai que je traversais une période de démence. La direction de mon énervement ne me parut pas blâmable, mais seulement son intensité. Il faut avouer que la réussite de mon excursion dans la vie dépassait mes plus belles espérances ; vraiment j’avais rajeuni ma puissance de sentir ! Et malgré qu’une partie de moi-même, toujours un peu larmoyante, résistât, je m’amusai pendant quelques minutes d’être si parfaitement dupe de la duperie que j’avais méthodiquement organisée.

Le soleil gai courait de la mer bleue et argentée jusque dans ma chambre tout ouverte ; mon chocolat embaumait ; j’avais faim et je souriais. Profitant avec un grand sens de cet