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UN HOMME LIBRE

plaisanterie mathématique particulier aux élèves de Polytechnique ou de Navale :

— Puisque c’est le banquier qui finit par gagner, disaient-ils, plus vous divisez la somme que vous pouvez risquer, plus vous augmentez vos chances de perte. Le meilleur, c’est encore de risquer un gros coup, puis de s éloigner.

Ah ! l’admirable vérité, m’écriai-je entre Villefranche et Nice, dans les cahots du wagon, et comme cela confirme ma théorie ! Dans la vie, la somme des maux, nul ne le conteste, est supérieure à celle des bonheurs. Plus vous aventurez de combinaisons pour gagner le bonheur, plus vous augmentez vos changes de pertes. Puisqu’il rentrait dans mon système d’aimer et d’être aimé, c’était bien de m’y risquer un jour ; mais la sotte combinaison que de laisser ma mise sur le tapis pendant cinquante jours !

Heureusement pour mes bonnes dispositions, je ne trouvai pas à l’hôtel de lettre de l’Objet.

Je pris une pilule d’opium, pour qu’une