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APPENDICE

physique la plus infatuée sont des façons de sentir générales et apparaissent nécessairement chez tous les êtres de même organisme assiégés par tes mêmes images. Notre raison, cette reine enchaînée, nous oblige à placer nos pas sur les pas de nos prédécesseurs.

Dans cet excès d’humiliation, une magnifique douceur nous apaise, nous persuade d’accepter nos esclavages : c’est, si l’on veut bien comprendre, — et non pas seulement dire du bout des lèvres, mais se représenter d’une manière sensible, — que nous sommes le prolongement et la continuité de nos pères et mères.

C’est peu de dire que les morts pensent et parlent par nous ; toute la suite des descendants ne fait qu’un même être. Sans doute, celui-ci, sous l’action de la vie ambiante, pourra montrer une plus grande complexité, mais elle ne le dénaturera pas. C’est comme un ordre architectural que l’on perfectionne : c’est toujours le même ordre. C’est comme une maison où l’on introduit d’autres dispositions : non seulement elle repose sur les mêmes assises, mais encore elle est faite des mêmes moellons, et c’est toujours la même maison. Celui qui se laisse pénétrer de ces certitudes abandonne la prétention de sentir mieux, de penser mieux, de vouloir mieux que son père et sa mère ; il se dit : « Je suis eux-mêmes. »

De cette conscience, quelles conséquences, dans tous les ordres, il tirera ! Quelle acceptation ! Vous