financier, le grand financier de la République. À lire l’histoire, à suivre les débats parlementaires, il s’est convaincu de ce principe, d’ailleurs exact : « Si vous voulez jouer un rôle politique, attachez-vous aux questions de finance : c’est là le centre de l’influence et du gouvernement. »
Toutefois il ne suffit pas de savoir, pour agir : il faut tenir compte du personnel. Bouteiller jusqu’alors n’a approché que les chefs, et il les a vus dans l’attitude qu’il leur plaît de montrer à un fonctionnaire, à un partisan non initié. Au dîner et à la réception du baron de Reinach il trouvera les puissances du régime, les hommes qui dirigent ou du moins qui assument les responsabilités. Financiers, hommes politiques, journalistes, le brillant universitaire se les énumère par avance, en remontant jusqu’à l’Étoile, puis en descendant l’avenue Hoche pour gagner le Parc Monceau par le chemin des écoliers ; il en sait assez pour écrire l’histoire de la Troisième République, mais non pour se mêler utilement à cette histoire : — car la vérité littéraire n’est pas toute la vérité ; même il y a peu de rapports entre la manière dont il faut écrire des hommes et la manière dont il faut en user. Bouteiller n’est pas un gobeur ; pourtant il ne soupçonne pas le rôle d’un baron de Reinach, par exemple, et précisément celui-ci avec des ménagements le va mettre au point.
Initiation que peu d’hommes auraient la clairvoyance et la liberté de donner, et qu’un plus petit nombre encore pourrait supporter sans déchéance. L’art de conduire les autres suppose une connaissance profonde de la nature humaine, mais dispose à la berner. L’initié devient aisément un exploiteur.