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BOUTEILLER PRÉSENTÉ AUX PARLEMENTAIRES

1879. Son autre frère, Oscar, baron chevalier de Reinach, par son mariage avec mademoiselle de Cessac, est allié à de vieilles et honorables familles françaises ; en conséquence il affiche du dévouement pour la légitimité et s’est porté candidat monarchiste aux élections législatives. Leur titre de baron, comme c’est la coutume, ils l’ont pris chez le fripier, exactement ils l’ont acheté en Prusse et en Italie. Le baron Jacques de Reinach a fait sa fortune dans la banque Kohn-Reinach, où Kohn d’ailleurs était la vraie tête. Cet Allemand naturalisé pensa à se servir de son argent pour mettre la main sur le personnel gouvernemental. Il se donna le rôle d’éclairer les parlementaires, voire les ministres, sur la valeur de toutes les affaires qu’ont à connaître les pouvoirs publics. C’est hanté par cette idée, qu’il introduisit auprès de Gambetta son neveu, M. Joseph Reinach, dont le père venait de se faire naturaliser français. Bien qu’il fût lourd et frivole, ses projets réussirent ; il n’y a pas une affaire qui ait été portée devant le Parlement depuis 1877-78, ou qui ait eu besoin de la sanction gouvernementale, sans que le baron de Jacques de Reinach usât de ses procédés pour obtenir le vote des Chambres ou la décision ministérielle. Parfois il avait besoin d’un écrivain capable de développer des vues de haute finance, de philosophie économique ; il vient de mettre la main sur Bouteiller.

Depuis huit jours qu’est commencée cette éducation, ce connaisseur s’émerveille de la force laborieuse de son élève et celui-ci ne souffre pas de la familiarité, de la vulgarité du personnage, tant il est heureux de s’instruire, ardent à devenir un