ouvert tous les possibles. M. Bouteiller, qui croit soumettre ses élèves à la notion du devoir, ne fait que les jeter plus ardents dans la voie commune aux jeunes Français modernes. Et leurs lectures aussi les exaltent sans plus leur fournir de sentiment social.
Dans chaque quartier de lycée se trouve une petite bibliothèque, composée d’après l’âge des élèves. L’apprenti philosophe y connaît à travers de faibles contradicteurs les grands esprits libres. Malmenés, parfois injuriés par les éditeurs universitaires, ils se présentent à l’enfant comme des révoltés, des proscrits ; par là son imagination, qu’ils auraient bien su ébranler, est plus fortement séduite. Il les lit sous la flamme du gaz, dans un lieu infecté par tant d’adolescents pressés, dans une atmosphère de contrainte, de malaise, d’irritation et de grossièreté. Son sang en est brûlé ; sous leur poids, son âme prend une pente selon laquelle dorénavant coulera tout ce qu’elle recevra de la vie. Le grand air, les horizons libres, la douceur d’une jeunesse passée dans une harmonie d’intérêts naturels et d’affections, donneraient à de tels livres un sens qu’ils n’ont pas dans les cellules d’un lycée. Et Rousseau, qui fait aimer et donne le sens de la fraternité, si tu le lis dans un verger, les tourmentait de sensualité et de sauvagerie mélancolique, tumultueux petit livre lu secrètement aux lueurs tard prolongées d’un jour de juin, splendide, mais trop lourd pour le prisonnier.
Du professeur ou du livre, nous recueillons seulement ce que notre instinct reconnaît comme sien, et nous interprétons avec une étrange indépendance. Alors que le maître réfute, souvent ses indignations tombent lourdement au pied de sa chaire, et la doc-