voilà de simples mufles. Ceux-ci, qui se délassent autour d’une table somptueusement servie et dans le bien-être des bouteilles, échangent allègrement une suite de propos pittoresques et professionnels. Et la basse façon de penser qu’ils trahissent forme la plus haute comédie.
— Quel est le meilleur travail synthétique sur la Révolution française ? — a demandé, sans doute pour lier conversation, le membre de la Chambre des communes assis à côté d’un député opportuniste.
Et l’autre, haussant la voix :
— Tous les discours de comices agricoles et l’ouvrage de Taine. Mais je préfère les discours de comices ; ils sont mieux accueillis.
— Ajoutons, pour être impartial, — objecte le banquier lettré, — que la conception de Taine a des chances de leur survivre une dizaine d’années.
— En politique, c’est duperie de s’inquiéter plus avant que six mois.
Ainsi parle un journaliste de tendance radicale.
— Très bien, — lui répond le subtil économiste,
— et n’est-ce pas dans cet esprit qu’il faut interpréter la phrase de Gambetta : « La question sociale n’existe pas ? » Permettez ! je ne vous reproche pas de l’avoir attaqué : vous suiviez votre jeu. Mais, vous le reconnaissez, Gambetta ne devait pas mêler à la besogne et aux soucis du jour…
— Je suis fâché que Joseph soit en voyage, dit le baron, il nous expliquerait tout cela.
— La phrase de Gambetta ! — dit un autre qui les interrompt, — faut-il qu’elle ait un sens ? Certaines formules d’orateurs prétendent moins exprimer une