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BOUTEILLER PRÉSENTÉ AUX PARLEMENTAIRES

République ne serait-elle pas justifiée de ses efforts scolaires ? La détermination qu’a prise, je le sais, le distingué ami de notre excellent hôte, l’appui qu’il a déjà donné et qu’il continuera a nos idées de gouvernement, me sont le plus sûr témoignage de la qualité exceptionnelle de son intelligence et de son caractère. Pour l’ordinaire, avouons-le, la filière est bien connue : les clubs, l’extrême gauche, le radicalisme, — et seulement plus tard l’instinct de gouvernement.

— Et plus tard encore, le comte de Paris ! — dit finement le banquier lettré.

— C’est notre réserve, ne la découvrez pas !… surtout devant ce terrible homme — répliqua gaiement le journaliste gouvernemental en désignant son confrère radical.

Les deux écrivains, qui, depuis plusieurs années, à la suite de polémiques insultantes, étaient brouillés, se regardèrent en riant et, comme on se levait de table, se rapprochèrent.

Au salon, l’un des financiers, celui qui avait servi l’Empire, prit familièrement Bouteiller par le bras :

— Morny avait coutume de dire au romancier Alphonse Daudet, attaché à son cabinet, jeune alors avec de magnifiques cheveux sur une figure éblouissante de vie : « Quand on entre dans le régiment des gens du monde, il faut en porter l’uniforme… » Laissez-moi vous dire : « Il faut prendre le ton de la politique quand on veut s’y mêler. » Et ce n’est pas le ton de la philosophie… — Non, — continua-t-il d’une voix plus haute en buvant son café, — la politique n’est pas besogne de philosophe, ni de