Page:Barrès - Les Déracinés.djvu/287

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
277
BOUTEILLER PRÉSENTÉ AUX PARLEMENTAIRES

mence alors à faire grand cas. — M. Roche, parti de la gauche la plus avancée, émerveillait les connaisseurs par la rapidité de sa maturité. En juin 1882, il votait avec la Chambre l’élection de la magistrature ; en février 1883, il parlait avec érudition et puissance, applaudi par cette même Chambre, contre l’élection de la magistrature. « C’est un esprit courageux, très instruit et qui vous plaira », dit Reinach à Bouteiller, qui voudrait un peu protester.

Beaucoup de ces hommes se croient bien à tort des adversaires : ils sont d’abord, et tous également, des mainteneurs du parlementarisme. Leurs ambitions les divisent, mais leurs intelligences, nourries des mêmes préjugés, quand elles jouent, comme ce soir, d’une façon toute désintéressée, produisent des séries fort analogues d’affirmations et de négations. Dans le brouhaha de tant d’hommes qui crient trop haut parce qu’ils sont mal élevés et qu’ils ont l’habitude des couloirs du Palais-Bourbon, des réunions politiques ou d’actionnaires, de la Bourse et des journaux, on entend des dialogues comme celui-ci :

— Les généraux ? Nous n’avons pas de fonctionnaires plus soumis… Demandez à Clemenceau : il les fait monter en lapin, oui, à côté du cocher, en lapin sur son fiacre.

— Celui qui reprendrait Metz et Strasbourg…

— Il aurait droit au Panthéon immédiat !… Vous m’entendez ! Tous les honneurs et un mauvais café.

— Le parlementarisme ne peut pas supporter une victoire plus qu’une défaite.

— Allez jusqu’au bout : le régime ne dure que grâce à la peur de la guerre. Nous n’avons rien à