Page:Barrès - Les Déracinés.djvu/303

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
293
« LA VRAIE RÉPUBLIQUE »

fait appel à des sentiments d’enfance, Racadot lui dit :

— Mon vieux, comment organiser mon bulletin financier ?

— Eh ! dit Renaudin, c’est l’œuvre du bulletinier ! C’est à lui de chercher les affaires. Quand ton journal sera important, ton bulletinier aura sous ses ordres des courtiers, des rabatteurs ; jusque-là il courra lui-même. Il ira où les affaires s’organisent et il traitera à forfait : il s’engagera soit à insérer une mention dans le bulletin, soit à faire paraître un article dans le corps du journal. Pour qu’il cherche le client avec activité, je te conseille de ne pas lui donner de traitement fixe, mais une commission de 15 à 25 p. 100.

— 25 p. 100 ? s’écria Racadot : je serai mon bulletinier !

— C’est prudent, car tu ne saurais pas surveiller un employé ; mais sauras-tu où frapper ? Ce n’est pas toujours au siège de l’affaire. Très souvent le financier emploie un intermédiaire, un agent de publicité auquel il indique le but à poursuivre, la somme qu’il y peut consacrer ; cet agent de publicité se charge de distribuer aux journaux. Voilà l’affaire de Panama, qui est distribuée par MM. Batiau et Privat : ils ont à marchander huit cents personnes. Comment te mettre en relations utiles avec eux ?

— Je me ferai craindre.

Renaudin haussa les épaules.

— Il faudrait que tu possédasses la vérité ou des fragments de la vérité : on ne s’improvise pas maître-chanteur.

Les yeux de Racadot, convaincu de son impuis-