Alison et François Sturel, laissant les deux vieilles dames, mirent pied à terre et suivirent lentement le parapet. Ils s’émerveillaient sans mot dire des mouvements enivrants, rapides comme des bras d’amoureuses voilées et qui se pâment, que font les flots de la Seine en fuyant sous la lune. Oui, la lune, que jusqu’alors François Sturel n’avait pas pensé à regarder, lui paraît comme elle l’est quelque soir dans la vie de tous les hommes, la magicienne incomparable, quand il voit que pour la jeune fille ces lueurs et ces silences sont des regards et des choses amicales. Si frémissante sous ces contacts de la nuit, au bord de l’eau pleine d’ombre, Thérèse devient pour lui une petite fée à laquelle il se sent enchaînée comme un esclave grossier. Ses soins, ses sentiments enveloppent la jeune fille d’un manteau de protection, de dévouement et d’admiration. En été, des cafés violemment éclairés bordent la Place d’Armes à Saint-Cloud, en tête du pont ; elle voulut éviter toutes ces grossièretés, et faisant un geste amical d’indépendance à la voiture, ils entrèrent dans l’allée française par où le parc débouche sur le quai.
Les premiers bancs étaient pris par des couples aux occupations mystérieuses et confuses, mais auxquelles les premières tiédeurs du printemps donnent un sens, fût-ce pour les jeunes gens les moins avertis. Sturel en lui-même ne veut pas de mal à ces personnages, parce que tout autour d’une noble image de l’amour un peintre peut grouper les indécences innocentes des bêtes, oui, d’honnêtes bestialités. Ils marchent une cinquantaine de mètres, puis ils trouvent enfin où s’asseoir. Les arbres, qui se