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DÉRACINÉ, DÉCAPITÉ

la vérité madame Aravian semblait avoir été la maîtresse de Sturel ; mais il lui affirma que rien ne justifiait l’épouvantable accusation portée contre deux membres d’un groupe uniquement passionné pour les questions intellectuelles. Il se demandait où l’on voulait en venir. Bouteiller, fort assombri, déclara à plusieurs reprises que ce scandale était détestable et ne pouvait servir que les adversaires du régime. Il s’étonna, si les faits étaient bien tels que les lui rapportait Suret-Lefort, qu’il se fût trouvé un magistrat pour décerner un mandat d’arrêt. Le jeune avocat et le professeur s’accordèrent pour stigmatiser avec force et justesse les abus barbares de l’instruction secrète.

— Je veux me donner corps et âme à cette affaire, dit Suret-Lefort. Je suis prêt à défendre Racadot, s’il fait appel à mon concours ; c’est une cause magnifique, parce qu’à cette occasion on veut atteindre toutes les idées de progrès auxquelles nous sommes attachés. Dès aujourd’hui même, j’accompagnerai Mouchefrin, qui est convoqué par le juge… J’ai tenu à vous prévenir. N’êtes-vous pas notre patron naturel ? Vous le voyez, que vous interveniez ou non, le public vous rend aussitôt responsables de vos anciens élèves.

— Vous avez raison… Je vois que Racadot est en bonnes mains… Comptez sur moi pour faciliter votre tâche auprès de ce malheureux que je veux croire innocent.

— Il serait précieux que je pusse le voir, et surtout qu’on n’arrêtât pas Mouchefrin.

— Je vais à l’instant même en parler au garde des sceaux.