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À BOUTEILLER, LA LORRAINE RECONNAISSANTE

influents. Mais il faut que la presse s’en mêle. Il faut qu’à Nancy Bouteiller subventionne de 30,000 francs la Lorraine républicaine, journal d’une grande autorité, probablement mal administré et dont les actionnaires, déjà engagés pour 500 francs chacun, sont las de faire des sacrifices. Il faut aussi qu’à Pont-à-Mousson il fonde un journal bi-hebdomadaire. Les élections, en apparence, se feront au scrutin de liste ; en fait, c’est le député de Pont-à-Mousson (une fraction de Nancy, les cantons de Pont-à-Mousson et de Nomeny) qu’il s’agit de remplacer. Bref, tout réglé modestement et dans les circonstances les plus favorables, c’est 50,000 francs à trouver.

Bouteiller est une valeur de premier ordre. En outre, sa passion le porte d’une telle violence vers le Parlement qu’il considère de son devoir d’y entrer : en effet, si fort qu’il se contraigne, il ne peut plus accomplir de toute son âme, comme il se l’était imposé, sa tâche professionnelle. Dès lors, l’honnêteté le force à descendre de sa chaire.

Est-il admissible que, promis à un si bel avenir politique, et avec ses relations, il se laisse arrêter par une question d’argent ?… Il ne serait pas celui que nous supposons, si une difficulté de cette catégorie lui fermait la vie publique. Et, d’autre part, notre société serait à la fois à flétrir et à plaindre, si elle était privée du concours d’un tel serviteur faute de 50,000 francs.

Tant d’hommes, qui ne connaissent l’action que par l’histoire et les belles biographies, diront, considérant le cas d’une façon abstraite : « Qu’est-ce qu’une difficulté d’argent ? 50,000 fr., cela se trouve tou-