Page:Barrès - Les Traits éternels de la France, 1916, Émile-Paul.djvu/25

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boues de sa tranchée d’Artois, le soldat François Laurentie, père de six enfants. Il gémissait, réconforté par l’espérance que ses enfants n’auraient pas à gémir. Toutes les lettres testamentaires qui sortent des tranchées apportent la même note. Le territorial se bat pour que ses enfants n’aient pas à se battre. Il fait la guerre pour détruire la guerre.

Il se bat aussi pour sa terre. Quelle fut l’émotion des hommes du 20e corps quand ils répandirent leur sang devant Nancy, devant Verdun ; des hommes de Péguy, ces faubouriens de Belleville et de Bercy, quand ils virent au bout de leur retraite, en septembre 1914, l’immense Paris dans sa brume qu’ils allaient défendre ! L’un d’eux, Victor Boudon, un blessé de la bataille de l’Ourcq, écrit à cette date : « On aperçoit dans le lointain les lueurs blanches des projecteurs des forts parisiens, et, par instant, à travers les feuillages, les lumières de la capitale. Nos cœurs battent violemment de joie et de crainte. »