Page:Barrès - Les Traits éternels de la France, 1916, Émile-Paul.djvu/31

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dans le soleil couchant qui dorait toutes choses, un fort groupe nous apparut. Des soldats venaient lentement, sans hâte, sans bruit. Des hommes en haillons, portant encore de vieux uniformes bleu foncé, tout déchirés et salis de boue et de sang ; des fusils rouillés et encrassés ; des souliers sans nom ; des képis rouges, mal recouverts de lambeaux de manchons bleus ; et, au milieu de tout cela, des figures superbes, sales, hirsutes, aux pauvres traits tirés et durcis, avec des yeux dont le regard entrait en nous jusqu’à l’âme, car il reflétait tous les spectacles sublimes recueillis depuis quinze jours. Ces regards de fièvre et de victoire, quel rayonnement ! Ils passaient près de nous, ces hommes, en nous regardant avec curiosité, étonnés de notre luxe et de notre nombre, et, tout en défilant, ils nous disaient seulement : « Ne vous en faites pas. Bon courage on les a eus ! » Tous répétaient : « On les a eus ! » Des voix jeunes, des voix de Parisiens, des voix à l’accent plus rude, des voix de