Page:Barrès - Les Traits éternels de la France, 1916, Émile-Paul.djvu/39

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saisi en pleine action et que je vous disais il y a un instant n’est pas un accident dans ma vie de soldat. Je ne mérite aucun compliment d’aucune sorte. Ce sont les vivants qui m’ont entraîné par leur exemple, et les morts qui m’ont conduit par la main. Le cri ne sortit pas de la bouche d’un homme, mais du cœur de tous ceux qui gisaient là, vivants et morts. Un homme seul ne pourrait trouver cet accent. Il y faut la collaboration de plusieurs âmes, soulevées par les circonstances, et dont quelques-unes déjà planaient dans l’éternité.

« Pourquoi ai-je été choisi plutôt que tel officier, plutôt que tel soldat, parmi ceux qui furent mêlés à l’affaire et dont l’héroïsme n’a pas, comme mon courage à moi, connu de défaillance ? Pourquoi plutôt que le colonel de Belnay qui parcourait les lignes sous la pluie de grenades, ou le lieutenant Erlaud, ou le sous-lieutenant Pellerin, ou l’aspirant Vignaud, ou le sergent Prot, ou le caporal Ghuy, ou le caporal Thévin, ou le soldat Bonnot ? (Il