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conscience de croyants

Irénée ne perdait pas un mot de la conversation. Son repas fini, il aurait été bien en peine de dire ce qu’il avait mangé, mais il savait que le destructeur de sa vie était à Montréal, le nom et l’adresse de ceux qui l’employaient, la rue, le numéro de la maison où il chambrait ; il savait que sa Lucette était tombée au ruisseau, et comment la jeune campagnarde, belle et pure, était devenue la fille perdue. Il connaissait les moyens que prend le démon pour perdre celles qui tombent dans ses griffes : la peinture, puis la nudité, puis la compagnie familière, puis la boue, la honte, le ruisseau.

Il en savait assez. Il paya son dîner, ne remarqua pas la grâce gentille, le costume, convenable, la dignité de maintien de la fille du restaurateur. Il n’avait qu’une pensée : sa vengeance. Sa Lucette était perdue ; jamais plus il ne la reverrait, jamais plus il ne la rechercherait, mais il sentait qu’elle était