passion ne gouvernait point, elle se sentit forte en devinant ce qui se passait en lui. Elle laissa retomber ses mains devant elle, et, à visage découvert, elle reprit ce qu’elle venait de dire, insista sur le désespoir de Françoise, l’état inquiétant où elle venait de la laisser, les malheurs qu’elle redoutait, et, sans en parler plus clairement, fit comprendre qu’il n’y avait qu’un moyen de la sauver et que lui, Raymond, devait s’y dévouer.
Il écoutait à peine ces raisonnements ; il était désormais conquis. Il ne voyait plus que le but où elle voulait le mener, et ce but l’éblouissait. Pourtant, une dernière pudeur d’honnêteté l’engagea à se défendre.
— Oui, Françoise… C’est vrai… Mais…
Et tout à coup, en rencontrant le regard de Claire qui semblait l’encourager, il comprit qu’il pouvait tout dire, être sincère. Sa phrase tourna autrement. D’un air embarrassé avec un sourire mal assuré, qui tordait disgracieusement ses lèvres et qui implorait l’indulgence, il dit :
— Vous l’avouerai-je ?… J’avais cru, de mon côté, remarquer quelque chose… Elle semblait s’attacher à moi… me montrer de l’affection… Et alors, moi-même, je n’ai pu m’empêcher…
Il voulait, tout en avouant son amour, l’expliquer, se disculper, protester que cet amour s’était imposé à lui, malgré lui, et qu’il avait lutté. Mais elle l’interrompit :
— Oui, mon ami, je le sais… Et je vous l’ai dit tout à l’heure : on ne commande pas à ses sentiments… Vous vous êtes conduit noblement, en cela comme en tout, j’en suis sûre… Je ne veux rien savoir… Et, quant à ce qui a pu se passer entre elle et vous, ce sont vos secrets à tous deux… Je n’ai pas le droit de les connaître.
Elle le détachait d’elle de plus en plus en voulant qu’il eût ses secrets, et le fiançait en quelque sorte à Françoise.
Alors, il balbutia :
— C’est que… dans les conditions où nous sommes, vous et moi…
Elle sentit qu’une mauvaise honte le retenait encore et l’empêchait d’accepter franchement, mais que d’ailleurs il ne cherchait que des excuses, qu’à se payer de raisons spécieuses.
Elle se chargea de lui en fournir :
— Je vous entends, mon ami !… C’est une fatalité, que voulez-vous ? Pouvions-nous supposer ce qui arrive, que cette enfant vous aimerait, et qu’il y aurait à trembler pour sa vie ?… Ah ! sans doute, il aurait mieux valu… Mais, il y a dix-huit mois, elle était trop jeune, je ne pouvais pas songer à la marier. C’est le hasard qui a tout fait. J’avais pourtant comme un pressentiment quand je me défendais, quand je ne vous accordais que cette tendresse… vous savez ?… Elle a été telle, que