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LES MILIEUX SYMBOLISTES

remit à Relié une lettre de recommandation pour le commerçant cabaliste et le poète s’en fut au Marais, non loin de la place des Vosges où logeait le sauveur. Il dut persuader à l’imprimeur que le symbolisme avait plus d’un point de contact avec le spiritisme et autres arts cabalistiques. Arcturus hésita longtemps ; enfin il demanda un court délai pour avoir le loisir de consulter sur la question son démon familier. La réponse des esprits fut favorable à la jeune école poétique. Le lendemain Retté apprit, avec quelle joie ! qu’Arcturus consentait à éditer les symbolistes et même qu’il les imprimerait en caractères elzévirs tout neufs. Gustave Kahn, Paul Adam, Henri de Régnier, Vielé-Griffin, Félix Fénéon, Albert Saint-Paul, Adolphe Retté, Jean Thorel, Georges Vanor, Maurice de Fleury, Bernard Lazare, Jean Schmitt se rejoignirent pour constituer la rédaction de cette nouvelle Vogue. Le premier numéro parut en juillet 1889. Il comprenait 96 pages in-16. Gustave Kahn s’était adjugé la critique littéraire ; les autres apportaient des contes, des nouvelles, des poésies, des études d’esthétique, des essais de philosophie. On avait inauguré une rubrique spéciale, Notes et Notules, où sous une forme humoristique, les rédacteurs décochaient à leurs adversaires, des entrefilets d’une causticité violemment condensée. Tout de suite des différends assez graves surgirent entre les rédacteurs même de la Vogue. Gustave Kahn et Vielé-Griffin prétendaient tous deux au titre de chefs d’école. L’un et l’autre, ils réclamaient pour leurs articles la première place. Retté fit trancher la question par un vote des rédacteurs ; à chaque numéro on tirerait au sort l’ordre dans lequel seraient rangés les articles des deux compétiteurs. La décision n’eut d’ailleurs pas à être appliquée. La revue en était à son troisième numéro, celui de septembre ; lorsque Retté vint à l’imprimerie porter le manuscrit du numéro d’octobre, le magasin était fermé. Arcturus avait déposé son bilan et voguait vers les rives ensoleillées de l’Égypte. La Vogue n’avait que 27 abonnés.