admire ont le tort d’être d’une déplorable clarté. Les vrais
poètes sont ceux que personne ne peut lire ex abrupto. Aussi
Verlaine et Tristan Corbière, malgré quelques obscurités,
sont-ils suspects aux décadents. Néanmoins, les décadents
sont dans le vrai. La preuve en est le nombre toujours grossissant
de leurs disciples. Il n’y a que « les balourds » pour
croire encore que la langue française est simple, lucide,
intelligible pour tous, alors qu’elle est singulièrement complexe,
« abstruse » et difficile à saisir quand on veut bien se
donner la peine de la parler et de l’écrire comme il convient,
« c’est-à-dire à la moderne mode décadente, la seule logique,
en convenant tout d’abord que les écrivains des xvie, xviie et
xviiie siècles n’étaient que des polissons ». En résumé l’art
décadent n’a rien que de très simple. Il suffit, « avec un peu
de bonne volonté, de tirer les mots au sort dans un dictionnaire
et, en comptant sur ses doigts le nombre de syllabes
nécessaires pour former un vers, on a grande chance
d’atteindre la perfection dans le genre ». C’était assez dire
que l’art décadent était par excellence un art incohérent et
que ses zélateurs étaient des cerveaux un peu faibles.
3. M. Paul Bourde, dans le Temps [1] crut nécessaire d’insister davantage sur le caractère singulier des nouveaux poètes. Il leur attribua quelques vices inédits, et, tout en reconnaissant à quelques-uns d’entre eux le mérite d’avoir découvert en poésie des beautés jusqu’alors inconnues, jugea raisonnable d’assimiler le symbolisme à un cas divers de la pathologie littéraire. Après un historique rapide du succès des Déliquescences et un coup de patte à Jules Claretie qui n’avait pas craint d’affirmer l’existence d’Adoré Floupette, Paul Bourde, en effet, rappelle les aventures de Verlaine et de Mallarmé au Parnasse, cite les noms et les œuvres des poètes marquants de la nouvelle école et fait ce portrait du
- ↑ 6 août 1885, les Poètes décadents.