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LE SYMBOLISME

dignité virile qu’une révolte définitive contre le vainqueur. La défaite est dans la vie le lot de l’homme ; il n’y a qu’à courber le front, à marcher vers le précipice avec la conscience du danger et la résignation à l’inévitable destinée :

On finit par s’habituer
A la trahison de la femme,
La vie est faite de la trame
Qu’elle tisse pour nous tuer.[1]


Dans cette lutte inégale, il ne faut que tirer parti d’une soumission opportune, s’abandonner à toutes les folies du cœur, suivre ses penchants, et puisqu’on doit subir les fers de la servitude, que l’esclavage soit au moins atténué par le libre essor de l’amour selon tous ses caprices. Or Verlaine, descendant au fond de son cœur, a la surprise de se découvrir un double tempérament idéaliste et libertin. En rappelant à Adrien Remacle certaine soirée où Mme  Remacle chantait d’anciens vers de Verlaine, mis en musique par son mari, il s’écrie : Votre femme chantait…

Si bien que j’entrai dans un grand étonnement,
Moi le lassé qui rêve d’être un ironique,
D’ainsi revivre sensuel et platonique[2].


Ces deux termes sensuel et platonique caractérisent l’amour chez Verlaine. Le poète est tour à tour, mieux parallèlement, l’un et l’autre.

Comme les jeunes hommes dont la débauche n’a pas encore flétri le cœur, il a, pensant à celle qui sera sa femme, des sensations chastes, une aspiration de tout l’être vers une beauté presque spirituelle. Dans la campagne, un matin, il associe au paysage l’image de la jeune fille qu’il aime,

  1. Epigrammes, XII.
  2. Dédicaces, XXVII.