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VERLAINE

dulgence du seigneur [1]. Le bon chrétien l’accueille avec reconnaissance :

Aime tes croix et tes plates,
Il est sain que tu les aies[2].


Car le malheur est bien un trésor qu’on déterre [3]. Il lave le pécheur de ses souillures ; il lui rend avec l’énergie de vivre la bonté d’âme évanouie :

Alors le chevalier Malheur s’est rapproché,
Il a mis pied à terre et sa main m’a touché
Et voici qu’au contact glacé du doigt de fer,
Un cœur me renaissait, tout un cœur pur et fier
Et voici que, fervent d’une candeur divine,
Tout un cœur jeune et bon battait dans ma poitrine[4].


La douleur est pour le chrétien comme un second baptême. Alors qu’elle ne laisse dans le cœur du païen que l’acuité d’une sensation pénible ou l’étonnement d’un mal imprévu, elle renouvelle l’âme des enfants du Christ, elle les dégage des liens de l’égoïsme, elle les oblige soudain à songer moins à eux-mêmes qu’à la masse des autres hommes [5].

Pour résister aux épreuves trop violentes, Dieu, dans sa bonté, nous a d’ailleurs donné la prière :

La prière nous sauve après nous faire vivre,
Elle est le gage sûr et le mot qui délivre.
Elle est l’ange et la dame ; elle est la grande sœur
Pleine d’amour sévère et de forte douceur.
La prière a des pieds légers comme des ailes
Et des ailes pour que ses pieds volent comme elle[6].


La prière est l’éternelle défense et l’éternel remède. C’est une bonne dame qui survient dans la lutte aux heures de désespoir : Je suis, dit-elle :

  1. Sagesse, I, 22.
  2. Bonheur, XXI.
  3. Amour, écrit en 1875.
  4. Sagesse, I, 1.
  5. Sagesse, I, 24.
  6. Bonheur, XXIV.