que ces Romances sans paroles, que ces joyaux d’harmonie miraculeuse : le Brelan des vieilles chansons, les Ariettes oubliées, Simples fresques, Chevaux de bois, Birds in the night, Green, Spleen, Streets, et tant d’autres où le vers semble n’être que la forme écrite de la mélodie [1]. La poésie de Verlaine est pour ainsi dire la musique même ; elle se sent, elle ne s’analyse pas.
Cette poétique émancipe-t-elle le poète de toute expérience technique ? Verlaine ne le pense pas. Il l’a prouvé en édictant quelques formules pratiques sur la prosodie et sur la langue.
Et d’abord Verlaine, qui n’a pourtant pas craint de prendre
avec le vers toutes les libertés tolérables, réprouve absolument
ce que les symbolistes appellent le vers libre. Le
vers libre lui paraît intéressant non en soi, mais simplement
parce qu’il signifie que les jeunes générations se trouvent à
l’étroit dans le vers français et qu’il est nécessaire de l’assouplir.
Y voir comme tant d’autres une révolution complète
de notre métrique, c’est vouloir introduire dans notre
langue la rythmique des idiomes étrangers, c’est méconnaître
le véritable génie de la langue française. Le vers libre est
une ambition généreuse de la jeunesse. Pour un français
soucieux d’art et connaissant sa langue, il est une indication
vers plus de liberté, rien de plus. J’admire l’ambition
du vers libre, déclare Verlaine, et il poursuit :
Que l’ambition du vers libre hante
De jeunes cerveaux épris de hasards,
C’est l’ardeur d’une illusion touchante.
On ne peut sourire à leurs écarts.
Gais poulains qui vont gambadant sur l’herbe
Avec une sincère gravité !
Leur cas est fou, mais leur âge est superbe.
Gentil vraiment le vers libre tenté[2].