mais devant l’art du vocabulaire : il faut chercher des mots,
des tours de phrase, des accouplements de mètre dont l’originalité
de forme et d’ordre « aide en nous à l’éclosion
d’aperçus et de correspondances
[1] » et réalise pour autrui un
motif assuré de suggestives émotions. « Ce n’est plus,
déclare Mallarmé parlant du poète, comme d’abord son
enthousiasme qui l’enlève à des ascensions continues du
chant ou de l’idée, bref de délire comme aux lyriques : hors
de tout souffle perçu grossier, virtuellement la juxtaposition
entre eux des mots appareillés d’après une métrique absolue
et ne réclamant de quelques-uns, le poète dissimulé ou son
lecteur, que la voix modifiée suivant une qualité de douceur
ou d’éclat, pour parler
[2] ». » Et il précise sa pensée en ajoutant
ailleurs : « L’œuvre pure implique la disparition élocutoire
du poète, qui cède l’initiative aux mots, par le heurt de leur
inégalité mobilisés ; ils s’allument de reflets réciproques
comme une virtuelle traînée de feux sur des pierreries, remplaçant
la respiration perceptible en l’ancien souffle lyrique
ou la direction personnelle enthousiaste de la phrase
[3]. »
5. Personnellement il a cru pouvoir réaliser cette harmonie parfaite par une triple originalité : d’abord par la couleur du style ; il l’obtient en usant du mot propre et surtout en procédant avec habileté dans le choix des épithètes. Ensuite par la variété du rythme, la façon de couper la phrase : elle est chez lui en rapport étroit avec la nature des sentiments exprimés. Enfin et avant tout par l’innovation syntaxique.
Il ne manque pas d’écrivains qui pratiquent l’épithète rare et sont remarquables par la richesse des coupes. Il y en a peu qui soient doués de syntaxe originale.
L’ambition de Mallarmé était de compter parmi ces privilégiés. Dans ce but, il a été plus grammairien que poète. Il