tations d’âme poétique les plus extraordinaires que nous
ayons vues depuis des années et des années ». Ce révolutionnaire
n’était comme tous les jeunes qu’un assoiffé d’originalité.
Il l’a d’abord conquise sous les apparences de l’étrangeté, et
ce premier triomphe lui était nécessaire pour affirmer aux
yeux du public sa réelle personnalité. Ayant vaincu le silence,
il a eu le courage de reconnaître que l’originalité n’était pas
le synonyme de la bizarrerie, que le poète ne l’acquérait pas
par un travail volontaire et forcément artificiel, mais par la
scrupuleuse observation de sa propre nature. Il a senti que
les règles qu’il s’imposait a priori, étaient à la fois contraires
à son instinct poétique et pernicieuses à l’avenir de cette
langue qu’il se proposait d’illustrer. Il a donc, reniant ses
erreurs, donné libre essor à son tempérament. Il avait celui
d’un classique, il a suivi la tradition et dégagé enfin sa véritable
originalité. Sa fortune dans l’école symboliste est donc
des plus curieuses. Ayant voulu interpréter le mystère, il
n’a réussi à l’évoquer que dans la clarté traditionnelle et
Le songe ou maintenant [son] âme se recueille
Ouvre les portes du destin[1].
Ayant voulu réformer la langue, il a pris le parti de Ronsard
pour atteindre le drapeau de Malherbe ; ayant voulu
diversifier le vers, il a fui Mallarmé pour admirer Racine.
Ayant enfin voulu créer le symbolisme, il l’a découvert dans
le classicisme. La poésie pour lui n’a plus qu’un but : elle est
destinée
A couvrir de beauté la misère du monde.
Et le révolutionnaire Jean Moréas, dans la mêlée symboliste n’a plus d’autre rôle que celui-ci : sur la mélodie verlainienne et l’orchestration de Mallarmé, faire résonner l’harmonieuse chanson des flûtes classiques.
- ↑ Van Bever, Poètes d’aujourd’hui, t. II, p. 74.