ditionnelle. Dans son dernier ouvrage, le Miroir du ciel
natal, il a fait quelques essais de vers libres ; mais il s’y est
risqué avec une modération presque craintive et une habileté
qui en fait excuser la tentative. Il est impossible de voir
dans ces poèmes, rêvés si près de la tombe, autre chose que
des expériences sans grande valeur probatoire. Rodenbach
eût vécu qu’il aurait très probablement, après s’être rendu
compte de sa puissance d’expression, rejeté tout à fait le
vers libre. Il apporte la même prudence à toucher au vocabulaire.
S’il s’est permis dans ses ouvrages en prose quelques
libertés lexicographiques, on n’en trouve point trace dans sa
poésie. Il parle excellemment la langue de tout le monde.
Son symbolisme ne réside ni dans la révolution de la
métrique, ni dans l’exotisme du style. Il consiste uniquement
dans la ténuité très précieuse et un peu artificielle de
ses sensations et de ses sentiments, dans la juxtaposition et
l’association souvent imprévue d’idées qui font de son art
« une mosaïque sur l’impalpable », dans ce talent maladif
des évocations en clair-obscur. « Nul, déclare J.-H Rosny,
n’a dépassé ce poète pour dire les pensées qui stagnent, le
chuchotement des intimités infinies, les aspects infinitésimaux
d’âmes murées dans le songe et la mélancolie. » Il a
fait de la phtisie une autre sœur des Muses, et selon son
vœu, ses strophes dolentes ont en elles assez de nostalgiques
parfums pour embaumer.
… toute une âme, un soir
Malgré la mort, malgré l’absence
Comme il suffit d’un peu d’essence
Pour en imprégner tout un boudoir[1].
5. Maurice Mæterlinck. — La maladie et le sentiment d’une fin prématurée, avaient fait de Samain et de Rodenbach les chantres résignés de la mélancolie. Mæterlinck est
- ↑ L’Hiver mondain : Mièvreries, II.