observations qu’il a recueillies à travers le tumulte de ses sensations intimes.
Mæterlinck n’est pas arrivé du premier coup à cette analyse
des phénomènes de psychologie subconsciente qu’il surprend
en lui. En face du mystère qui gouverne nos actes, il a
d’abord éprouvé cette oppression habituelle à qui se sent le
jouet d’une force occulte dont il devine la présence sans
pouvoir en démêler la réelle nature. Serres chaudes colligent
ces impressions hétéroclites, ces bouleversements et ces
affaissements de l’âme, en proie à la fièvre d’une inquiète
curiosité. Et torpenti multa relinquitur miseria, avertit le
poète dans l’épigraphe de son recueil. Les misères de l’âme
en torpeur, ses visions, ses hallucinations, ses rêves tantôt
vagues et tantôt précis, des impressions fugitives et des
images étranges, voilà le sujet de ces poèmes. Au contact du
mystère l’âme éprouve un malaise indicible :
Mon âme est malade aujourd’hui
Mon âme est malade d’absences
Mon âme a le mal des silences
Et mes yeux l’éclairent d’ennui[1].
Cherche-t-elle à le définir, elle aboutit à un kaléidoscope
d’images étranges et presque contradictoires :
Il y a eu un jour une pauvre petite fête dans
les faubourgs de mon âme !
On y fauchait la cigüe un dimanche matin
Et toutes les vierges du couvent regardaient
passer les vaisseaux sur le canal, un
jour de jeûne et de soleil[2]…
A travers ce flot d’impressions, le poète croit pourtant saisir l’essence même de cet inconnu ; il ne le voit que sous