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LE SYMBOLISME

jeune fille aux jambes charmantes et aux seins gracieux [1]. » Lui-même y prend la règle de sa technique :

On m’a conté que les peintres célèbres
peignaient longtemps les yeux, longtemps les lèvres,
longtemps les joues et longtemps les oreilles
des bienheureux que leur génie éclaire.

Je veux ici, puisqu’il faut commencer,
ne point poser à faux dans l’encrier
ma plume. Et, comme un adroit ouvrier
tient sa truelle alourdie de mortier,
je veux, d’un coup, à chaque fois porter
du bon ouvrage au mur de ma chaumière[2].


Le bon ouvrage, c’est d’écrire avec simplicité, avec naïveté même, dans la langue des enfants, avec les mots de leur lexicographie restreinte : « Mon Dieu ! déclare le poète en résumant sa manière dans la préface de l’Angélus de l’aube. à l’angélus du soir, vous m’avez appelé parmi les hommes. Me voici. Je souffre et j’aime. J’ai parlé avec la voix que vous m’avez donnée. J’ai écrit avec les mots que vous avez enseignés à ma mère et à mon père qui me les ont transmis. Je passe sur la route comme un âne chargé dont rient les enfants et qui baisse la tête. Je m’en irai où vous voudrez, quand vous voudrez. » Après cette déclaration de principe, il ne veut pas savoir s’il y a des lois prosodiques et un art d’écrire. Son vers, c’est une phrase parlée, avec les souplesses inattendues et les curiosités pittoresques de la conversation.

Les hiatus y abondent ; quand la mesure est respectée, c’est par hasard ; les enfants qui balbutient n’ont pas coutume de chanter en cadence leurs paroles. La rime arrive au petit bonheur, riche, faible, plate, si elle veut et comme elle

  1. Un Manifeste littéraire.
  2. Le Triomphe de la vie : Jean de Noarrieu.